Techniques statistiques

Les études statistiques permettent aux analystes d’estimer les paramètres-clés des modèles de coût ou de production. Les analyses économétriques nécessitent un large ensemble de données afin de garantir des résultats fiables. Il s’avère souvent difficile d’obtenir le nombre d’observations requis pour déduire une estimation efficace et impartiale du coût (ou de la production). Les résultats de régression sont sensibles à la spécification du modèle (par exemple, forme fonctionnelle linéaire contre forme fonctionnelle non linéaire). De plus, pour certains modèles, l’interprétation du terme d’erreur devient importante.

Les premières études avaient tendance à utiliser le principe des moindres carrés ordinaires (MCO) pour estimer les fonctions de coût des compagnies. A cause des limites des données, la plupart de ces études étaient de nature transversale. Outre le fait qu’ils analysaient les données d’une seule année, les chercheurs utilisaient des données d’Angleterre et du Pays de Galles ou des États-Unis. Ces études universitaires se focalisaient souvent sur la performance relative des compagnies privées par rapport à celle des compagnies publiques du secteur de l’eau et de l’assainissement. De plus, elles analysaient l’ampleur des économies d’échelle et des économies de production conjointe (la fourniture à la fois de services de distribution d’eau et d’assainissement). Dans certains cas, elles analysaient l’impact de la répartition entre clients industriels/commerciaux d’une part, et clients domestiques d’autre part.

Au fur et à mesure que les données du Brésil, du Pérou et d’autres pays émergents sont devenues disponibles, de nouvelles études de pays ont été publiées, souvent en utilisant des techniques plus avancées d’analyse économétrique (paramétrique) ou non-paramétrique. Des études de compagnies en France, en Italie et dans d’autres pays ont commencé à apparaître dans la littérature universitaire. Des techniques associées avec la méthode d’analyse de frontières stochastiques ont commencées à être appliquées à la fois aux fonctions de production et aux fonctions de coût. Les données de panel ont facilité l’incorporation de la densité de la clientèle, de la topologie et d’autres variables.

Les méthodes paramétriques les plus souvent utilisées sont la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO), celle des moindres carrés ordinaires corrigés (MCOC) et la méthode d’analyse de frontière stochastique (AFS). La différence principale entre ces modèles est que la MCOC attribue toutes les déviations à une inefficience alors que les modèles AFS attribuent une partie des déviations à l’inefficience et une partie des déviations à un bruit aléatoire. En d’autres termes, les modèles AFS prennent en compte à la fois l’inefficience et le bruit aléatoire. Les modèles de frontière stochastique les plus utilisés incluent le modèle de frontière de production stochastique, le modèle de frontière de coût stochastique, et le modèle de fonction de distance stochastique. Avant de choisir un modèle spécifique, les analystes doivent faire un choix initial entre les deux formes fonctionnelles les plus utilisées : la fonction Cobb-Douglas et la fonction translogarithmique.

Les modèles des moindres carrés ordinaires (MCO)

Les techniques de MCO peuvent être utilisées pour réaliser des processus de benchmarking qui concernent la performance individuelle d’une compagnie par rapport à ce qui serait attendu : une estimation de la fonction de coût moyen ou de production moyenne d’un échantillon de compagnies. Les méthodes de benchmarking par moyenne peuvent être utilisées afin de comparer des compagnies avec des coûts relativement similaires ou quand un manque de données suffisantes de compagnies comparables rend difficile l’utilisation des méthodes de frontières. De façon schématique, la méthode repose sur une estimation de la forme fonctionnelle de régression pour les coûts ou la production en utilisant l’approche MCO. L’analyse de régression linéaire vise à déduire une relation entre la performance d’une compagnie (en termes de production ou de coût total), les conditions du marché et les caractéristiques des processus de production. L’analyse statistique permet d’isoler les effets de conditions ou niveaux de production spécifiques, de façon à déterminer le rôle de multiples variables indépendantes. Les données des compagnies qui font l’objet d’une comparaison peuvent ensuite être utilisées pour déterminer les niveaux de performance attendus des compagnies compte tenu des variables qui caractérisent chaque compagnie.

La technique de l’analyse de régression est définie par les étapes suivantes : 1) la sélection à la fois de la mesure de coût (ou de production) et des variables exogènes, 2) l’estimation de la fonction de coût (ou de production) pour l’industrie et 3) le calcul du coefficient d’efficience pour chaque compagnie du secteur. La mesure de la production réelle par rapport à la prévision de production donne une mesure de la performance relative. La qualité de ces résultats peut ensuite être évaluée statistiquement afin de fournir aux responsables politiques un cadre pour évaluer les compagnies. La problématique approche linéaire contre approche non-linéaire peut être étudiée en incluant des paramètres qui traduisent les économies et déséconomies d’échelle.

  • Avantages: la méthode statistique donne des informations sur les structures de coût et permet de distinguer les effets des différentes variables sur la production. Les coefficients peuvent être interprétés en termes de facteurs de coûts ou sous l’angle de la façon dont les intrants contribuent à la production.
  • Inconvénients: un large ensemble de données est nécessaire afin d’obtenir des résultats fiables. Les résultats de régression sont sensibles à la forme fonctionnelle si le terme d’erreur n’est pas correctement interprété, ce qui peut conduire à des conclusions très variables selon la façon dont la régression a été initialement définie.
  • Application: l’autorité de régulation du Royaume-Uni, l’OFWAT, applique les méthodes de moyennes aux coûts d’exploitation (OPEX) et aux dépenses en capital (CAPEX) des compagnies des eaux lorsqu’elles définissent les plafonds de prix tous les cinq ans. L’OFWAT a développé une analyse d’efficience qui repose sur des méthodes de moyennes et qui est un élément-clé de son processus de détermination des prix.

Modèles des moindres carrés ordinaires corrigés (MCOC)

Une approche un peu différente de la méthode MCO implique le déplacement de la ligne vers la compagnie la plus performante. C’est la méthode des Moindres Carrés Ordinaires Corrigés (MCOC). De façon générale, la MCOC est simplement une fonction de moyenne déplacée. Cette méthode nécessite deux étapes, l’une pour obtenir la valeur probable du terme d’erreur, l’autre pour déplacer ou « centrer » l’équation.
Lorsqu’on utilise les méthodes MCO ou MCOC, il est de bonne pratique d’effectuer une Analyse Quantile. L’Analyse Quantile aide à surmonter l’effet possible de valeurs aberrantes sur la moyenne estimée, ce qui permet à l’analyste de détecter la présence de compagnies performantes sur des quantiles spécifiques ou extrêmes tels que les quantiles inférieurs (25%) ou supérieurs (75%).

  • Avantages: la méthode statistique donne des informations sur les structures de coût et permet de distinguer les effets des différentes variables sur la production. L’ajustement transforme le MCO en approche « frontière ».
  • Inconvénients: comme pour la méthode MCO, un large ensemble de données est nécessaire pour obtenir des résultats fiables. Les résultats de régression sont sensibles à la forme fonctionnelle si le terme d’erreur n’est pas suffisamment interprété, ce qui peut conduire à des conclusions très variables selon la façon dont la régression a été initialement définie. De plus, les résultats sont particulièrement sensibles aux valeurs aberrantes, puisque la compagnie dont la performance est « la meilleure » quel que soit le paramètre considéré sert de référence pour l’estimation. Par conséquent, les notes de performance sont très sensibles aux valeurs aberrantes.
  • Application: la plupart des études qui reposent sur l’analyse de relations de frontière utilisent l’Analyse de Frontière Stochastique (AFS). Elles y perdent en simplicité, mais l’AFS permet d’identifier des tests des sources de différents types d’erreurs.

Modèles des moindres carrés ordinaires (MCO)

L’Analyse de Frontières Stochastique vise à estimer une frontière efficiente qui intègre dans l’estimation la possibilité d’erreurs de mesure ou de facteurs de hasard. Pour faire le tri entre l’inefficience et le bruit, il est nécessaire de faire de fortes suppositions sur la distribution du bruit parmi les compagnies observées. Les frontières stochastiques peuvent être classifiées comme frontières de Production, de Coût, et de Distance d’Intrant.

Une frontière de production met en évidence les relations techniques entre les intrants et les productions des compagnies et constitue une alternative lorsque les frontières de coût ne peuvent pas être calculées en raison d’un manque de données. La production estimée est la production maximum possible avec les intrants donnés d’une compagnie prise individuellement. La différence de production obtenue par le biais de cette estimation est interprétée comme représentant l’inefficience technique de chaque compagnie prise individuellement. A la frontière de production, il est judicieux de choisir des rendements d’échelle variables et il faut intégrer des changements appropriés d’efficience d’échelle dans le calcul de la productivité totale des facteurs.
Une frontière de coût montre les coûts comme une fonction du niveau de la (ou des) production(s) et des prix des intrants. C’est utile lorsqu’on essaie de mesurer l’écart entre le tarif et les coûts minimaux. De façon conceptuelle, la fonction de coût minimum définit une frontière qui montre les coûts techniquement possibles associés à différents niveaux d’intrants et différentes variables de contrôle. Une frontière de coût total est préférable à des frontières de coûts ou dépenses variables, afin de prendre en compte la substituabilité des intrants-facteurs. Utiliser des modèles séparés pour les dépenses de capital et les dépenses d’exploitation ne permet pas l’allocation des dépenses entre dépenses d’exploitation et dépenses en capital. L’efficience de coût intègre les effets de l’efficience technique et d’allocation.

Chaque approche (production ou coût) peut produire des résultats différents. La différence sera d’autant plus grande s’il existe des distorsions d’allocation importantes. Dans ce cas, les paramètres de la frontière de coût seront biaisés. Un facteur important à prendre en compte lors du choix entre une frontière de coût et une frontière de production est qu’en général, les compagnies réglementées ont l’obligation de fournir leur service à un tarif préétabli et qu’elles doivent satisfaire la demande. En ce sens, les compagnies ne sont pas autorisées à choisir leur propre niveau de production, ce qui fait de la production une variable exogène. La compagnie réglementée maximise ses bénéfices en minimisant ses coûts de réalisation d’un niveau donné de production. Le coût étant la variable de choix pour la compagnie, une approche en termes de frontière de coût est un choix plus sensé.

Enfin, une approche en frontière de distance d’intrant est l’option naturelle pour les industries réglementées où la quantité de production est exogène et les quantités d’intrants endogènes, et lorsque la technologie est de nature multi-productive ou lorsqu’il n’y a pas de données disponibles sur le prix des intrants. C’est le cas pour l’eau et l’assainissement en tant que productions différentes d’une même compagnie au sein de laquelle leur fourniture provient d’intrants partagés qui déterminent conjointement la fonction de production.

Une fonction distance peut avoir une orientation axée soit sur l’intrant soit sur la production. Une orientation axée sur l’intrant analyse jusqu’à quel point le facteur intrant peut être proportionnellement réduit tout en maintenant le même facteur production. Une orientation axée sur la production analyse jusqu’à quel point le facteur production peut être proportionnellement accru tout en maintenant le même facteur intrant. Les fonctions distances peuvent être estimées au moyen d’une méthode stochastique ou d’une méthode AED. L’avantage d’une frontière de distance par rapport à une frontière de coût est qu’on ne présume pas que la compagnie réduit ses coûts. L’avantage par rapport à une frontière de production est que cela permet d’éviter le problème endogène.

  • Avantages des Frontières Stochastiques: elles mettent en lumière le bruit de données, par exemple les erreurs dans les données et les variables omises. Des tests statistiques standards peuvent être utilisés pour vérifier les hypothèses posées quant à la spécification du modèle et l’importance des variables intégrées au modèle. De plus, cette approche intègre plus facilement les effets de modélisation d’autres variables (par exemple l’environnement, la qualité).
  • Inconvénients des Frontières Stochastiques: le modèle nécessite la spécification d’une forme fonctionnelle et d’une technologie de production. De plus, le tri entre le bruit et l’inefficience repose sur de fortes suppositions concernant la distribution du terme d’erreur.
  • Application: plusieurs études utilisent ces techniques, dont une sur l’efficience relative des compagnies des eaux publiques et privées en Asie de l’Est et dans la zone Pacifique.
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